samedi 7 octobre 2017

Ode Au Martyr

Tu peux toujours rêver 
Pour que j'te laisse en place 
Ma vie à moi est claire 
Et la tienne sent l'roussi 
Tu peux toujours pleurer 
On s'ra pas potes à vie 
Tu voulais pas y croire 
Mais j’t’avais mis en garde 
Alors cette fois tant pis 
On s'en va aux galères 
Toi sur l'banc à ramer 
Et moi à faire la fière 
Pour un challenge d'enfer 
Un putain de face à face 
Tu sais faut pas t’en faire
J'veillerai sur ta survie 
Faudrait pas que tu t’noies 
Là comme çà par mégarde 
Faut que tu vives ta vie 
J'te veux pas en martyr 
Tout maigre sur la croix 
Toi larmoyant tout pâle 
Moi te donnant à boire 
J'veux pas te voir souffrir 
Juste que tu te dévoiles 
Que t'oublies les sunlights 
Que tu joues ta sonate 
Et moi pendant c’temps là
J’jouerai tranquille
La dernière sonnerie... 


Ecrit à Beaucaire
le 06 octobre 2017  

lundi 2 octobre 2017

ÂME SŒUR

Nous la rencontrons tous un jour ou l’autre. Elle apparaît à un moment donné de notre vie qui ne doit rien au hasard, et elle demeure. Comme l’amour, elle a le visage que nous lui donnons, se conjugue au choix au masculin ou au féminin, et trouve son ancrage dans notre histoire. Elle est non pas notre alter ego, mais notre moitié, l’indispensable reflet contradictoire que nous renvoie notre miroir, celui qui nous connaît et nous complète.

Si ce n’est déjà fait vous la croiserez un jour prochain, et vous la reconnaîtrez. Un lien très fort, indestructible, vous lie immédiatement. Dès le premier instant vous reconnaissez une âme qui comprend et entend la vôtre, vous devenez gémellaires malgré vos différences. Ou plutôt grâce à ces différences. Cette autre sait comment fonctionne votre mode de pensée, vous n’avez pas besoin de lui expliquer vos processus de raisonnement, pas plus que les motifs de vos comportements. Elle sait vos chagrins, vos peurs, vos doutes et vos victoires sur vous-même. Elle sait vos joies, vos gourmandises terrestres et spirituelles, vos élans et vos emportements. Elle sait vos colères, vos emballements, les secrets les plus intimes de votre être. Et vous savez les siens.

Vous n’avez pas besoin de vous voir quotidiennement ni même de vivre proches pour préserver votre lien. Vos pensées vous lient irrévocablement et vous sentez quand l’autre a besoin de vous. Ce n’est pas une relation idyllique, il peut y avoir des contraintes, des manifestations d’ego déplacées, des prises de bec aussi... Mais aucune fâcherie, aucune contrariété ne s’éternise. Vous êtes deux pièces de monnaie dissemblables accolées pour n’en faire qu’une seule et qui suivent chacune leur propre chemin, accompagnées et soutenues par l’autre. La main qui se tendra vers vous sera la sienne, le sourire, le rire, la complicité et l’indéfectible tendresse seront les siennes. Il n’y aura pas de jugement, mais plutôt un regard critique et juste qui ne vous blessera pas. Parce que cette autre voit au plus profond de vous ce que les autres ne verront jamais, elle vous connaît comme vous la connaissez.

Elle est ce cadeau précieux, unique, d’une vie liée à la vôtre. Plus forte que l’amour, que l’amitié, que la filiation. Un cadeau qui résiste aux épreuves, un miroir sans tain qui osera tout vous dire, tout vous montrer de vous-même, tout apaiser et tout guérir. Elle est votre âme sœur. Et vous êtes la sienne.

Ecrit à Beaucaire,
Le 02 octobre 2017

lundi 18 septembre 2017

L'OISEAU

Elle avait sincèrement cru que se cloîtrer entre ces murs allait la mettre à l’abri des vicissitudes du monde extérieur. Avec une grande naïveté, patiemment, elle les avait érigés pierre par pierre, ne laissant filtrer la lumière du jour que par d’étroites ouvertures. Elle les avait voulues trop hautes pour se créer des envies d’ailleurs, et trop petites pour être tentée de s’y glisser. Se déniant tout droit de rêver devant la terre aride qui l’entourait aussi loin que puisse porter son regard, coupant court avec brutalité à toute échappatoire, créant ainsi le lieu parfait, vide et austère qu’exigeait son renoncement.

Elle n’avait pas prévu l’oiseau. Il arrivait à l’aube, un peu avant avant le lever du soleil, et la regardait en pépiant de temps à autre, très peu, comme s’il craignait de la lasser. Il s’envolait aux heures chaudes pour revenir au crépuscule, et il restait là, presque immobile, jusqu’à la tombée de la nuit. Elle se surprenait à l’attendre, déçue au-delà du vraisemblable lorsqu’il tardait à apparaître, soulagée autant qu’effrayée par l’exigence de sa présence. Du maigre repas qu’elle consentait à consommer chaque jour elle lui gardait quelques miettes et un peu d’eau, il voletait jusqu’aux bols posés devant elle, picorait dans l’un et buvait dans l’autre avant de repartir dans ce froissement d’ailes si particulier qui lui donnait absurdement envie de pleurer. Il était devenu son seul lien avec le monde extérieur, fragile et constant, et elle craignait chaque jour un peu plus qu’il ne se rompe pour disparaître, la renvoyant à sa solitude.

Les jours, les nuits, passaient dans un silence que seul interrompait l’oiseau. De la folie de ses exigences elle avait désormais une conscience aiguë, terrifiante, et ne savait quel enseignement en tirer. N’était-elle pas persuadée que seuls la solitude et l’enfermement sauraient l’amener au degré d’ascèse qu’elle se donnait pour but ? Et l’accomplissement ultime n’était-il pas de savoir quand renoncer ? Ainsi au fil des jours et des nuits, perdant le sommeil et se torturant à comprendre, elle évoluait vers une exigence qu’elle n’avait pas prise en compte au départ. Celle d’un besoin irrépressible d’imperfection qui la mènerait à l’éblouissement. Prise au piège entre ses propres murs, dans l’incapacité d’en sortir sans briser son vœu de silence et reconnaître son orgueil, pas encore prête au renoncement qui lui ouvrirait la porte de sa prison de pierres, elle souffrait pour la première fois de sa vie. Et pour la première fois aussi versait des larmes sur la douleur qu’elle s’imposait. 

Au fil du temps elle avait oublié que d’autres vivaient tout près d’elle, qu’il lui suffisait d’un cri pour les alerter et rejoindre le monde dans lequel elle avait refusé de vivre. Elle ne faisait pas le lien entre le monde extérieur et sa prison de pierres par celui qui lui apportait ses repas journaliers. Sa mémoire s’était vidée de tout ce qui n’était pas essentiel, de tout ce qui ne lui rappelait pas pourquoi elle avait fait ce choix terrible. Elle ne savait plus qu’elle pouvait vivre encore, vivre mieux, et apprendre des autres plus qu’elle n’avait appris d’elle-même. 

L’oiseau, lui, savait. 

Ecrit à Beaucaire,
Le 18 septembre 2017

vendredi 15 septembre 2017

Dissimulée

Les jours traînent en longueur
En effeuillant les heures
Les rêves s'étirent à l'infini
Lentement ils prennent vie
Toi tu es là en spectateur
Tu les regarde vivre
Et tu pleures
Tes peurs renaissent
Vivaces et cruelles
Cachées sous les sourires
Guettant l'instant propice
Ne pas céder à leurs appels
Ne pas fuir non plus
Entre fantasmes et réalité
Choisir la voie de la dignité
Celle qui prendra un peu de tout
Pour un cocktail explosif
Tout en retenue et douceur
Où surnage l’impensable vérité
Dissimulée...

Ecrit à Beaucaire
Le 19 septembre 2017

vendredi 21 juillet 2017

PAGE BLANCHE

On peut écrire sur un tas de choses, et parfois même sur des instants de vie qui laissent une trace plus ou moins profonde dans la nôtre. Mais vient inévitablement l'instant T tant redouté, celui de la page blanche. Ce syndrome que tout auteur craint comme la peste et qui frappe sans prévenir, de préférence au mauvais moment, déclenche des réactions en chaîne et une remise en question qui peut s'avérer très douloureuse.

Pour moi, qui écrit depuis l'âge de huit ans avec une déconcertante facilité et plus ou moins de bonheur, me retrouver devant la page vide de mon écran d'ordinateur est une expérience des plus inquiétantes. Je ponds une phrase ou deux, parfois un paragraphe ou deux, puis plus rien ne vient... J'attends. Les idées sont là, elles se bousculent dans ma tête et je ne parviens pas à les ordonner pour les restituer dans la forme qui saura accrocher mes lecteurs. J'essaie, j'arrête, je recommence ! Alors me vient l'idée saugrenue d'écrire sur le fait que je ne peux écrire. De partager cette angoisse qui m'étreint, cette impatience qui alimente ma colère, ce trop plein qui m'encombre et me décourage. 

Je me remémore mes meilleurs instants d'écritures, les mots qui se précipitent sous mes doigts, le bruit réconfortant du clavier martelé à vive allure pour donner naissance à des textes dont je ne rougis jamais d'assumer la paternité. Instants bénis qui m'isolent du monde extérieur et du temps, qui m'insufflent autant d'énergie qu'ils m'en prennent, paradoxe immémorial de toute création... J'enrage de ne pouvoir atteindre ce nirvana pour lequel je suis venue au monde, l'écriture est toute ma vie, elle me définit, elle est ma force. Ce que parfois je ne peux ou ne sais dire passe par l'écrit avec aisance, les mots demeurent et se gravent dans l'esprit de ceux qui les lisent. Le message, qu'importe ce qu'il soit, passe. Le relais est accompli.

Aucune forfanterie dans mon propos, juste la conscience de ma capacité à transmettre. Ma lecture des événements, des faits, des idées que je commente, se fait avec simplicité. Je porte avec assurance un regard aiguisé sur le monde qui m'entoure, sur les gens aussi. Et si certains pensent m'abuser par l'opacité ou la fausse simplicité de leurs discours je veux leur dire aussi qu'il n'en est rien. Tout cela m'amuse, me nourrit, me conforte dans mes choix d'écriture autant que dans mes choix de vie. Ecrire bouscule mon âme, affine mon esprit, dope mes neurones, donne du sens à ma vie. Depuis toujours. Et cela ne s'arrêtera qu'avec moi.

Mais certains jours de souffrance, lorsqu'il m'est impossible d'accoucher d'un texte, j'en pleurerais...

Ecrit à Beaucaire,
Le 21 juillet 2017

dimanche 4 juin 2017

GOOD MORNING BEAUCAIRE

Six ans aujourd'hui que je suis arrivée à Beaucaire pour envahir mes parents avec mes cartons et mes bestioles, le cœur plein d'espoir ! Comment aurais-je pu prévoir tout ce qui a suivi ? De la perte douloureuse de ma Maman un mois après mon arrivée, suivie un an après par celle de mon Papa, je garde un sentiment d'inachevé et une douleur qui ne me quittent jamais... Ma vie a été chamboulée bien au-delà de ce que j'en attendais, et pas du tout comme je l'envisageais. Mais de manière surprenante le bilan de ces six années est majoritairement positif, j'ai trouvé un équilibre, j'ai fait mon trou à Beaucaire et l'avenir s'annonce ensoleillé. 

Ne pas s'endormir sur mes acquis est ce à quoi je m'attache désormais, aller de l'avant et donner du sens à ma vie en renforçant mon engagement dans la lutte antiraciste et contre les extrémismes, quels qu'ils soient. Tout particulièrement contre l'extrême-droite qui gangrène la ville que mon cœur a choisi ! Souvent l’on me demande ce que cet engagement m'apporte, la question me surprend tant la réponse est évidente. C’est un formidable enrichissement personnel, la certitude de faire ce qui doit être fait, celle que le silence est pire que la mort. Oui c'est un engagement risqué, j'en subis les effets négatifs chaque jour, la haine et la violence sont omniprésentes dans ma vie, virtuellement comme dans la réalité. Mais elles me confortent dans ce que j’entreprends, et la satisfaction que je retire de la moindre action engagée pour mettre un terme aux dérives de l’extrême-droite est immense. 

Enfant déjà je ne supportais pas l’injustice, et il n’y a pas pire injustice que la haine de l’autre et la discrimination, avec tout ce que cela entraîne. Au fil des années et de mon histoire familiale j’ai acquis cette certitude que le Mal est sur cette terre, parmi nous. Il porte un nom, le fascisme. Et il avance à visage découvert, avec arrogance et trop peu de monde prêt à se lever pour lui barrer la route ! Les belles paroles et les promesses faciles, le discours populiste qui joue sur les ressorts de la peur et de l’envie, sont son pain quotidien. Celui qu’il jette en pâture à qui veut bien ouvrir la bouche pour avaler sans discuter. Tout cela est bien peu chrétien pour ceux qui se prétendent les champions de la morale et de la préservation de “nos traditions judéo-chrétiennes”. Mais ils ne sont pas à une contradiction près, et le pire est que leurs soutiens ne remettent jamais en question ces contradictions ! Dans ces conditions comment ne pas se lever pour dire “ASSEZ” ? J’avoue ne pas comprendre ceux qui regardent passer les trains en attendant que d’autres les fassent dérailler... Leur immobilisme est impardonnable.

Je ne suis pourtant pas de ces personnes qui aiment tout le monde avec des étoiles dans les yeux et la bouche en cœur, j’ai conscience des difficultés qu’entraîne la vie en société de communautés aux us et coutumes très différents les uns des autres. Se rapprocher de l’autre, apprendre à le connaître, dialoguer, sont les seules façons possibles de vivre ensemble. Pas un vivre ensemble idéalisé qui n’existe que dans l’esprit de ceux qui ne le vivent pas au jour le jour, mais un vivre ensemble tolérant, semé d’embûches et enrichissant. Celui que chacun de nous peut vivre, à Beaucaire et ailleurs, pour peu qu’il s’en donne la peine. 

J'ai transmis à ma fille et ma petite-fille les valeurs que je défends, je sais qu'elles veilleront à les transmettre à leur tour. A moi de leur prouver chaque jour qu'elles sont sur le bon chemin, celui sur lequel ont marché mes parents toute leur vie <3 Le chemin de l'amour, de la fraternité, de la solidarité, du partage et de la tolérance... Tous ces petits et gros cailloux qui vous écorchent les pieds mais qui vous ancrent dans l'humanité.

Ecrit à Beaucaire
le 31 mai 2017

jeudi 30 mars 2017

Aveu de Faiblesse

Amis lecteurs je dois vous faire un aveu. J'aime les hommes intelligents, et j'aime aussi les hommes de pouvoir. C'est ma faiblesse, totalement assumée. Un homme qui cumule les deux me fait craquer, je suis foutue avant d'avoir réalisé ce qui m'arrive ! Tout cela reste bien entendu très théorique, et d'évidence platonique, mais je ressens dans toutes les fibres de mon corps cette tension irrépressible que seule suscite l'union de l'intelligence et du pouvoir. Mes neurones s'aiguisent, je suis d'emblée focalisée sur l'ultime question : vais-je pouvoir lui parler ? Le tout n'est pas de l'entendre, même si cela s'avère toujours très intéressant, non le but est d'échanger, de tisser un lien même très bref qui s'imprimera à jamais dans ma mémoire et nourrira mon imaginaire. Pas dans le sens romantique du terme, même si j'en plaisante volontiers avec mon cercle d'amis, mais dans celui qui ouvre des voies inconnues à ma propre intelligence, qui la nourrit, qui l'enflamme et qui guidera mes doigts sur le clavier comme en cet instant précis. 

Moi dont le tempérament tranquille abrite un esprit curieux, mais dont l'âme passionnée se protège farouchement des blessures, je ne me reconnais plus dans ces rencontres qui ont émaillé ma vie depuis toujours. Des hommes de pouvoir, des hommes intelligents, j’en ai rencontré tout au long de ma vie et j’en ai même épousé un qui a laissé une trace indélébile... Mon schéma affectif me pousse vers ces hommes qui enrichissent ma propre vie en lui apportant cette étincelle qui la préserve de l’oubli. Ils repoussent mes limites, auprès d’eux, après eux, je peux me surpasser. Leur intelligence provoque la mienne, elle l’oblige à sortir des sentiers battus et à donner le meilleur d’elle-même. 

Pendant ces rencontres j'ai la sensation de me dédoubler et je reste là, à l'écart de moi-même, me regardant évoluer avec aisance jusqu'à prendre les yeux dans les yeux  ma dose de puissance intellectuelle à cet homme qui m'offrira un instant de grâce qui pour lui ne sera qu'un infime moment de sa propre vie... Le caractère souvent éphémère de ces échanges leur donne plus encore de valeur, mais si ce qui s’y dit a son importance il y a des échanges muets qui en ont plus encore. Plus subtils mais non moins satisfaisants ils consolident le lien ténu qui s’est créé, l’estampillent d’une approbation bienvenue pour ce que je fais, pour ce que je suis. Ils sont la certitude que lui se souviendra de cette rencontre et saura mettre un visage sur mon nom, ils accrochent des ailes à mes projets.

Bien sûr lors de ces moments j'engrange, mon cerveau prend des notes, les mots, les phrases, se gravent dans ma mémoire pour y faire leur office. Tout cela me servira plus tard, peut-être pour écrire un article sur mon blog, peut-être pendant un débat ou une simple conversation, mais pas un mot ne sera perdu. J’y ajoute ces petits riens qui dressent le portrait d’un homme, sa voix tout d’abord, sa gestuelle, ses regards, ses petites manies... Ensuite je range l’instantané avec les autres, ceux qui l’ont précédé. Les hommes de pouvoir sont inévitablement liés à des moments clés de ma vie, les rencontrer fait remonter à la surface des souvenirs soigneusement enfouis, l’émotion est forte et je sais que certains autour de moi ne la comprennent pas. Mais au-delà des idées ou des responsabilités je vois l’homme, l’être imperfectible qui m’émeut. Je sais que je suis capable de me distancier intellectuellement de certaines personnes pour lesquelles j'éprouve une admiration immédiate et incontrôlable. Mais s’il est  clair qu’aucun homme de pouvoir, si admirable soit-il, ne me détournera de mes propres engagements, je sais que j’éprouverais à échanger avec lui une vraie satisfaction qui  mettra à rude épreuve mes convictions et fermera la porte à toute tentative de neutralité. 

Et moi, grâce à eux, j’aurais passé ma propre puissance, ma propre intelligence, un cran au-dessus. En les nourrissant de leur propre fragilité. Ce qui en soi est une terrible réalité.

Ecrit à Beaucaire
le 30 mars 2017

vendredi 3 mars 2017

Il n'est pire aveugle et sourd que celui qui ne veut ni voir ni entendre...

Il n'est pire aveugle et sourd que celui qui ne veut ni voir ni entendre... Et j’ajouterais qu’il n'est pire idiot que celui qui ne veut pas comprendre. 

Est-il raisonnable d’espérer en la bonté de l’Homme quand jour après jour d’aucuns s’acharnent à nous démontrer notre erreur ? Je suis sidérée par la capacité de destruction que démontrent certains qui s’acharnent, de préférence à plusieurs, sur qui les dérange dans leurs certitudes. Des certitudes nous avons tous, mais quand elle s’accompagne d’engagements et de valeurs elles deviennent insupportables à quelques-uns. Et ce qui en résulte peut faire vaciller la foi la plus solide en l’humanité. 

Je crois en l’échange, aussi furieux soit-il, il forge des liens indestructibles et ouvre de surprenants chemins de vie. Je crois dans la vertu de la parole telle qu’on la pratiquait dans les temps révolus, lorsque les mots prenaient tout leur sens et transmettaient la sagesse des anciens. Que serions-nous si d’autres avant nous n’avaient lutté pour enlever une à une les pierres sur les voies que nous empruntons aujourd’hui ? De l’expérience de ceux qui nous ont précédé nous tirons notre savoir, notre énergie, et nos valeurs. D’eux nous avons appris de terribles comme de merveilleuses leçons. Il nous revient d’en perpétuer la mémoire et de veiller à ce que certaines ne soient jamais oubliées. Pour cela entre autres,  le verbe est un merveilleux moyen de communication, utilisé à bon escient il peut faire des miracles. A contrario les mots peuvent écraser l’espoir, le réduire en cendres, le disperser aux quatre vents et s’en laver les mains... Certains mots referment un couvercle sur nos mémoires. Si la parole est un bienfait, en venir à l’utiliser pour semer le trouble le plus abject dans les esprits revient à la nier dans son infinie potentialité. Que celui qui n’a jamais blessé par ses mots ou ses écrits me jette la première pierre ! Mais que l’on me permette en retour de la jeter sur ceux qui se saisissent des mots pour blesser à dessein.

Comment dans ces conditions continuer de croire dans les vertus de l’échange ? La volonté de partager le modeste savoir acquis au fil d’une vie ne suffit pas à percer le mur d’indifférence dont s’entourent les autres. Nos espérances se fracassent sur l’implacable réalité de revendications alimentées par des discours qui font vibrer les cordes de la peur et de l’ignorance. L’inculture, la crédulité, la naïveté, forment le quotidien de ceux qui ne sont capables de voir que le pire, et s’empressent de l’inventer quand il ne l’est pas assez pour illustrer leur propos. Dans cette part d’ombre l’humain ne vaut pas le regard que l’on pose sur lui, disons-le franchement il est laid. De cette laideur affligeante qui naît dans les cœurs les plus noirs.

Comment garder l’étincelle en vie quand certains s’acharnent à souffler dessus des bouffées de haine et de bêtise ? Il n’est pas de tâche plus ardue que celle qui consiste à sarcler une terre aride qui refuse jusqu’à l’eau que l’on voudrait lui offrir. Une terre qui finalement se satisfait de mourir et récuse les soins que l’on essaie de lui donner pour adoucir ses dernières heures. Toutes les larmes versées ne suffiront jamais à la garder en vie...

J’ai tendance à croire que c’est au plus sombre de l’avenir qu’il convient de ranimer l’espoir et de croire en l’humanité. Mais je ne suis plus certaine de croire en l’humain dans toute son imperfectibilité. Sans doute parce que je fais le constat terrible que dans sa grande majorité il s’est endormi sur l’essence même de ce qui le constituait, doucement, sans en avoir conscience. Il est entré dans un état de narcolepsie qui dresse entre lui et nous une barrière infranchissable. Il porte sur le monde qui l’entoure un regard embrumé, noyé de haine, hanté par la somme de toutes les peurs qui résonnent au tréfonds de son esprit. Et cet humain là, je n’ai pas envie de lui tendre la main.

Ecrit à Beaucaire
le 02 mars 2017