mercredi 7 mai 2014

DES MOTS ET DES PLUMES

Il y a des gens qui s'intitulent écrivains, journalistes, romanciers, poètes... Une sorte de baptême auto proclamé d'un talent inexistant qui alimente leur ego surdimensionné. Ces gens-là vous hurlent au visage leur science infuse à la moindre occasion, juste pour le plaisir de grimper d'un échelon dans l'ascension des sommets qu'ils convoitent. Sommets qu'en général, si l'équilibre des forces est respecté, ils n'atteindront jamais. Mais en attendant qu'ils manquent un barreau de l'échelle et se vautrent à vos pieds vous supportez parfois pendant des années leur insupportable suffisance et vous souffrez en silence. Les règles de bonne éducation et de bienséance que vous ont martelés vos parents pendant toute votre jeunesse vous enferment dans un carcan qui vous lie les mains et la langue, ne laissant en liberté que vos pauvres oreilles obligées d'entendre leurs énormités et vos yeux pour les lire et pleurer... 

Et puis un jour votre vernis de politesse se craquelle, vous sentez monter en vous une irrésistible marée de phrases visant à ramener ces détestables individus à leur place, au ras des pâquerettes. Vous hésitez un peu, après tout il n'est pas évident de se laisser aller à cette joie subtile et néanmoins puissante que confère le pouvoir des mots. Vous les maniez ces mots, ils jonglent dans votre tête avec insolence, se bousculent au bout de votre plume pour s'épanouir sur le papier, s'étalent avec impudeur sur le clavier de votre ordinateur, tous impatients de démontrer que ce sont eux qui détiennent la vérité. Bien entendu vous les bridez, vous les organisez, les rangez en ordre de bataille, les sermonnez avant de leur laisser libre cours. Il ne faudrait pas que l'un d'eux, inconséquent, soit cet affreux grain de sable qui gripperait la machine de votre revanche. Disciplinés et quelque peu inquiets ils avanceront masqués, s'infiltreront là où personne ne les attend, se glisseront à la première place en silence... Jusqu'au moment ultime, celui de la jouissance.

Libérés de leurs entraves, enivrés de leur propre insouciance, ironiques, caustiques, joyeux, ils s'éparpilleront tout autour de l'ennemi, lui lieront les mains pour emprisonner ses velléités d'écriture, piétineront sans pitié ses plates-bandes, attaqueront son œuvre jusqu'à se qu'elle s'écroule pour ne plus jamais se relever ! Toute la souffrance et le dégoût accumulés jailliront de votre plume pour balayer celui qui s'était accaparé toute la place au soleil, ils l'éjecteront définitivement de sa chaise-longue pour que vous puissiez prendre sa place et savourer, enfin, votre destinée. Jusqu'au jour où vous vous glorifierez de votre talent et deviendrez à votre tour imbuvable, perdant l'essence de vos pensées avant même que de les exprimer et vous entêtant à vous imposer alors que vous faites déjà partie du passé... 

Dans cet infernal cycle d'écriture peu obtiendront la reconnaissance de leurs pairs. Mais peu importe ! Seuls demeureront dans nos mémoires ceux dont la plume ne se gorge pas de faux semblants et dont le talent prend sa source dans la vérité. Ils ne sont pas forcément les meilleurs ni les plus discrets. Mais ils existent. Et leurs plumes sauront trouver les mots pour vous parler.

Ecrit à Beaucaire,
le 06 mai 2014

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